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11 juin 2010 5 11 /06 /juin /2010 22:35

 

Bon alors, tu veux vraiment savoir ? Alors, comme tu as été sympa et que tu m'as envoyé plein d'ondes positives très efficaces (merci ! merci !), je vais te dire.


D'abord, il faut savoir qu'il y a peu de métiers où l'on rencontre son chef pour une cession d'évaluation une fois …. tous les trois ans. Donc, pour nous, ce n'est pas anodin. C'est généralement l'occasion d'un très gros stress. Habituée au privé où le chef est bien plus accessible et disponible, je ne déroge pourtant pas à la règle : lors de mes trois précédentes inspections (je ne suis dans la Grande Maison que depuis dix ans), j'avais bel et bien balisé ! En plus tout ça est toujours extrêmement formel. Alors qu'entre collègues, on se salue le matin par un viril « Huuuu (cri Cévenol) salut enculé(e) !», à elle on lui donne du Madame l'Inspectrice long comme le bras. Mais va savoir pourquoi, cette fois-ci, j'étais étrangement détachée.

 

Ca ne m'a pas empêchée de faire un effort, pas tant pour les points potentiellement grignotables et qui font gagner du temps pour gravir les échelons, donc qui permettent d'espérer quelques euros de plus un peu plus vite, mais plutôt pour la satisfaction, la fierté d'avoir un retour positif sur une pratique bien solitaire.

 

J'avais donc décidé de ranger ma classe dans laquelle règne habituellement un bordel sans nom. Ranger, pour moi, que ce soit à la maison ou à l'école, consiste à déplacer le bordel d'un endroit visible, à un endroit invisible. Les placards et tiroirs ont accueilli dossiers, feuilles en vrac, brouillons, vieux papiers, stylos cassés, que je n'avais pas envie de classer ou de jeter. L'illusion était parfaite. Ca a donné un premier dialogue très prometteur :

Elle : votre classe est agréable, c'est propre et bien rangé ….

Moi, un peu pute : oui, j'avoue avoir fait un effort pour votre venue, je ne suis pas habituellement la reine de l'ordre.

Elle : non, non, c'est bien, ne vous désavouez pas ! Pourriez-vous me donner votre cahier d'appel ?

Moi : bien sûr, si vous voulez bien vous pousser, il est dans ce tiroir ….

…............................

Elle au bout d'une bonne minute pendant laquelle j'ai effectué une recherche archéologique dans le tiroir poubelle de mon bureau et duquel j'ai fini par extirper le cahier en question : oui …. je vois …. je ne l'aurais jamais trouvé toute seule !

 

Il faut dire que l'oubli de préparer le cahier d'appel à l'avance relève probablement d'un acte manqué. Le cahier d'appel sert à faire l'appel. Dans ma classe je n'ai pas, à part pour Ubuprofène, de problème d'absentéisme majeur. Et quand les enfants sont absents, c'est peu de temps et pour de bonnes raisons, généralement justifiées par les parents. Du coup, j'avoue avoir un peu oublié, à partir de Janvier, de remplir le cahier en question. Ne pas remplir le cahier ne veut pas dire me désintéresser des absents, j'appelle les parents, exige les mots d'excuse, mais bon, les petites croix, ça me gonfle. Sachant la Chef à cheval sur les statistiques d'absences, je reprends le cahier, la semaine dernière, pour le remplir à postériori, en me souvenant vaguement des gastros, angines ou rhumes de l'année. Pour remplir le cahier, il faut remplir les dates. Munie d'un calendrier, me voilà entrain de mettre les dates correspondants aux jours en tête des colonnes. Sauf que j'avais pris le calendrier 2009…. Il a fallu que je passe tout au blanco et que je recommence, mais comme j'étais pressée, je n'ai pas attendu que le blanco sèche, du coup, depuis Janvier, toutes les pages sont ornées d'ignobles pâtés blanchâtres barrés de coulures noirâtres … La page des statistiques, la seule qui l'intéressait, était propre et remplie elle en est donc restée là … Ouf !

 

J'avais pris soin de créer un affichage collectif inexistant. Je t'explique, ce n'est pas que je sois cossarde, quoique, mais je n'y crois pas une minute à l'affichage collectif. Les bons élèves qui pourraient avoir l'idée de le consulter ne le font pas parce qu'ils n'en ont pas besoin, les mauvais élèves qui pourraient en avoir besoin, ne le font pas parce qu'ils n'en ont pas l'idée ! Mais, il paraît qu'il faut le faire, alors …. Dimanche dernier, j'ai crée une vingtaine d'affiches, que j'ai légèrement froissées, j'ai permis aux chats de marcher dessus pour les vieillir un peu, mais quand je les ai agrafées au mur, lundi soir, avec Gilles, ce qui nous a donné l'occasion de sacrés fous rires, elles étincelaient un peu trop de blancheur. Je m'étais préparé à une remarque, genre « vos affiches, arrêtez de vous foutre de moi, elles sont neuves ? » à laquelle j'aurais répondu « oui, mais les anciennes étaient un peu jaunies par le soleil et le temps, alors, je les ai toutes refaites à l'occasion de votre visite. » Mais non, elle a apprécié « la qualité didactique de mon affichage » (sic). Je confirme que depuis qu'elles sont au mur, pas un seul élève ne les a consultées, ils les ont découvertes mardi matin avec stupéfaction et force commentaires, ce qui m'a confortée dans le timing, il aurait été malvenu de les afficher hier soir, et ils les ont aussitôt oubliées …

 

Tout mon travail est sur mon ordi portable qui fait avec moi les trajets école-maison.. J'ai installé l'ordi (j'avais la veille nettoyé l'écran car il commençait à y avoir pas mal de crottes de mouches) ouvert à la page où figure l'arborescence de mon travail.

 

 

freemind.jpg

 

Il suffit de cliquer sur une bulle pour accèder au fichier correspondant. Ca fonctionne comme des liens internet. Sauf que … en Février et Mars, prise d'un sérieux coup de mou, j'avais négligé (= pas fait) mon cahier journal … et n'avais ces temps derniers aucune envie de faire le retour en arrière pour rédiger les mois manquants. J'avais donc désactivé le lien du mois de février et fait aboutir celui de mars en avril (on n'est pas à l'abri d'une légère erreur informatique, hein ?). Le truc lui a plu, en regardant après, j'ai vu qu'elle avait fait mumuse en ouvrant plein de fenêtres ! Sur l'ordi, je stocke toutes mes photos, tous mes favoris sur internet, et y consulte bien sûr mes messages. Alors que j'allais brancher, comme tous les matins, le cable ethernet qui me relie au réseau et me permet à la fois d'imprimer sur l'imprimante commune et de me connecter sur la toile, je fus prise d'une angoisse soudaine. Imaginons qu'elle ouvre par inadvertance ou par curiosité malsaine une fenêtre internet et qu'elle accède à mes favoris où figure mon blog ! Ou pire encore qu'une fausse manip n'ouvre ma boîte mail avec vos messages qui en substance disaient tous ce matin « vas-y, t'es la plus forte, tu vas la niquer ! » Non ….. pas possible ! Je m'empresse donc de camoufler le câble éthernet dans le tiroir foutoir, sous le cahier d'appel. Ca au moins, c'était tranquille !

 

Tu l'as donc compris, le superflu m'emmerde !

 

Pour le nécessaire, c'est-à-dire enseigner, j'avais pondu deux séances, une en Français, une en Maths, dont je suis un peu fière ! Bon, d'accord, quand elle est arrivée au portail, le matin, je parlais avec le dirlo de la température de l'eau pour la séance piscine de l'après-midi. Du coup, je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire : « vous avez de bonnes chaussures, on part à la piscine, je vous présente une séance de natation ce matin ! » Devant sa tête qui m'a furieusement rappelé celle qu'elle avait faite lors de la réunion collège, je me suis empressée d'enchaîner : "non, je rigoooooooooooole, je vous montre des maths et du français ! Et de toutes façons, je ne sais pas nager ! »

 

Je te la fais courte, elle a qualifié mes séances, de travail de haut vol ! Je ne vais pas faire ma fausse modeste, c'est vrai que c'était vraiment bien. J'étais survoltée, j'ai entraîné les nains dans mon sillage, dans une structure de raisonnement implacable, dans laquelle ils étaient tellement canalisés, qu'ils ne pouvaient pas faire autrement que de réfléchir et de produire. Ca a fonctionné mieux que dans mes rêves. Elle était sur le cul et moi aussi. Les reproches concernaient d'autres choses (je n'ai pas fait grand chose en géo, mes cahiers sont mal tenus, mon emploi du temps n'est pas assez précis ...), mais elle paraissait presque gênée d'avoir à me faire ces reproches totalement légitimes pourtant.

 

Maintenant, je vais te raconter le plus drôle. Promis juré craché que c'est vrai !

Et c'est là qu'entre en scène Ubuprofène dans Ubuprofène le retour ! Ubuprofène est arrivé sur son 31, fringué de frais et de propre, sur un cou blanchi par le chlore de la piscine lors de la séance de lundi dernier. Le cheveu gras avait été lavé et coupé, les croutes au coin des yeux essuyées. Il avait fait le choix de ne pas porter de chaussures ouver, ce qui permettait au parfum capiteux de Madame la chef de flotter librement et sans entrave dans le classe. Bref Ubuprofène était venu pour faire bonne impression, un sourire de winner accroché à ses lèvres débarrassées des miettes de son petit déjeuner.

Dans le texte que je présentais figurait le mot « mistral ». Le niveau culturel et linguistique de mon village étant ce qu'il est, une élève demande ce que c'est (no comment). Estomaquée qu'elle ne le sache pas, je marque une pause, dans laquelle Ubuprofène s'engouffre. Il se démonte le bras pour lever le doigt le plus haut possible (car Ubuprofène, outre qu' il n'a pas la lumière à tous les étages, n'a pas non plus beaucoup d'étages, il tient plus de Dany de Vito que de Schwarzenneger, ce qui lui enlève la dernière chance qu'il aurait pu avoir de s'en sortir dans la vie). Déterminée à ne pas laisser la parole qu'aux bons, histoire que la chef prenne conscience que le classement en Zep de mon école ne serait pas du luxe, je donne la parole à Ubuprofène :

 

- Ubuprofène, c'est quoi le Mistral ?

 

- C'EST UN BAR !

 

Madame l'Inspectrice n'a pas compris, ni la réponse, ni le fou rire qui m'a pris, à moi ainsi qu'à mes plus malins. Ca se voyait à son regard interloqué.

Histoire de l'éclairer, je me reprends et réponds au gamin :

 

- Ubuprofène, tu regardes trop Plus Belle La Vie !

 

Et en même temps que je dis ça, je me rends compte que ma propre connaissance du nom du Bar du Mistral dans PBLV vient de me dénoncer comme étant moi-même une afficionado de la série. Pas grave, j'assume, encore plus depuis que je sais que mes deux distingués collègues, profs de lettres et de latin grec, Les Pitous, ne loupent pas un épisode.

 

mistral.jpg 

 

 

Et enfin, dernière anecdote. Pour faire les aller-retours entre l'école et la maison, j'utilise un panier en osier. C'est un panier à la Prévert. On y trouve de tout : vieilles enveloppes vides, papiers de bonbons, serviettes périodiques (non usagées), morceaux de bois, foin (parce que panier voyage dans la même voiture que mon foin et que mon bois et parfois il y des transferts bizarres entre l'extérieur du panier et l'intérieur), canette de coca vide, tube de rouge à lèvres, boites d'advil, stylos, trombones, lunettes de soleil …. A un moment, l'Inspectrice me demande de lui montrer mes bulletins. Je les avais enlevés du panier le matin-même et avait posé l'épais dossier sur une table. Je me saisis de la chemise et vois pendre un bout de ficelle. Dans un premier temps je pense à un reste d'oeuvre en Arts Plastiques avant de me souvenir que je suis une brêle en Arts Plastiques et que je n'ai rien fait avec de la ficelle. Je pense ensuite à une ficelle de ballots de foin qui aurait pu se glisser dans le panier puis dans le dossier, mais les ficelles du foin sont bleues et celle-ci est blanche et plus fine. J'entrouve le dossier et le tube en plastique révélateur apparaît. Putain de Bordel de Merde : un tampax sorti de son emballage ! Sur la tête de mes enfants, je te jure que c'est vrai ! Je n'ai pas le temps de réfléchir car en même temps que je m'interrogeais sur ce mystère de la ficelle, j'avais avancé vers le bureau où trônait la chef et il ne me restait plus qu'un pas à faire avant de poser le dossier devant elle. J'ai enfermé le tampax dans mon poing droit, et pendant que de la main gauche je déposais le dossier, de la droite je laissais tomber le tampon dans la corbeille à mes pieds. Elle n'a rien vu. Je crois. Enfin, je n'en suis pas si sûre que ça, maintenant que j'y pense.

Ca me rappelle la scène entre Chabat et Lauby dans Nulle Part Ailleurs :

  • Chantal, vous avez un tampax derrière l'oreille !

  • Merde, qu'est-ce-que j'ai fait de mon stylo ?

lauby.jpg

 

 

Je concluerai juste en disant que Madame la Chef est une personne juste, aimable et humaine. Ils ne sont pas tous comme ça dans l'EN !

 

                               See you later alligatorcroco_001.gif

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commentaires

E
<br /> <br /> Cool que ça se soit bien passé ! Tu es la meilleure ! Gros bisous ma Jojo !<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> de moins en moins ...<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Je m'en doutais un peu !<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> <br /> et là je rigole encore ......... <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Moi aussi quand j'y pense !<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> J'ai bien rigolé, ça fait du bien ce matin, ça dissipe la grisaille de la tête.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Tant mieux !<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> <br /> Sur tes conseils laissés chez les Pitous, je suis venue, je ne regrette pas : nos inspections en lycée sont tout aussi stressantes, je n'en ai eu que 3 moi aussi, mais en 17ans... Point de tampax<br /> ni de mistral dans ma dernière, mais mon ispecteur n'est pas super rigolo, alors....<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> 3 en 17 ans ? Ah oui, quand même ....<br /> <br /> <br /> <br />

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