Tu l'as compris, sagace lecteur que tu es, je vais faire des travaux à ma maison. Je ne te dis pas encore quoi, tu verras plus tard.
Faire des travaux ici est toujours un challenge chaque fois renouvelé à cause de la livraison des matériaux.
En effet, pour arriver à la maison, il faut emprunter un chemin d'environ 150/200 mètres, qui monte sérieux, qui est excessivement étroit, soutenu simplement sur un côté par un mur de pierres sèches. Ce chemin est la raison principale pour laquelle l'écologiste que je suis possède un 4X4, parce qu'on peut être écologiste convaincue et en avoir marre de monter les courses ou les 150 kilos de viande mensuels des chiens à la brouette. Parce qu'en plus le chemin est caillouteux. Ceux qui connaissent, merci de confirmer par commentaires afin que je ne passe pas pour la geignarde pollueuse de service !
J'ai mis plus d'un an à maîtriser la montée du chemin en marche arrière. Parce qu'une fois en haut, l'esplanade est trop étroite pour permettre un demi-tour et la descente en marche arrière est plus qu'aléatoire : donc on monte en marche arrière et on descend en marche avant.
J'y ai laissé un embrayage et j'ai failli y laisser le 4X4 en entier l'en dernier en mettant les deux roues dans le vide. Il a fallu défaire en partie le mur de faïsse et me remorquer ….Depuis une petite année, je maîtrise la montée sans faire patiner l'embrayage (le coût de son remplacement m'a fortement incitée à apprendre !) et sans tomber dans le vide. Il faut juste que je me penche méchamment par la fenêtre pour voir où je mets mes roues arrière, la pente m'empêchant de voir quoi que ce soit par les rétroviseurs, et les jours de pluie, ça craint, ainsi que la nuit. J'essaie donc de ne pas monter les jours de pluie et la nuit, ce qui présente certaines difficultés l'hiver ….
Aujourd'hui, arrivaient mes matériaux, donc.
Tu me vois venir hein ?
Premier voyage : le camion réussit à monter, en marche arrière en arrachant pas mal de pierres, en écroulant partiellement le mur du bassin, avec des grosses pierres qui sont tombées dans le bassin et en abîmant le tronc de la vigne vierge. Il a fallu au passage tronçonner un olivier (rachitique et qui me gênait pas mal aussi lors de mes manoeuvres).
Deuxième voyage : j'envoie Laurent en bas pour guider le chauffeur sur la partie basse du chemin et je reste en haut pour le guider sur la partie haute. De mon poste d'observation, je le vois se rapprocher beaucoup trop près du bord.
Je hurle.
Il ne m'entend pas. Laurent qui était beaucoup plus près ne m'entend pas non plus. Pas le temps de courir pour lui dire de s'arrêter. Il ne me voit pas non plus, vu qu'il monte en marche arrière et qu'il me tourne le dos, donc.
Et le camion bascule ! Une roue dans le vide et le mur qui s'écroule sous lui. 20 tonnes tout de même ….
On appelle son patron qui a un Defender, espérant qu'il pourrait peut-être le tracter pour le sortir de là, sachant qu'à chaque instant, une pierre se dessolidarisait du mur et que celui-ci s'écroulait un peu plus. Mais pas moyen de le tirer. Trop lourd et la roue trop dans le vide.
Jacky arrive.
A trois ils tentent de remettre des pierres dans le mur pour le consolider. Ca ne marche pas. Le camion vacille de plus en plus et je commence à trouver ça beaucoup moins drôle, car il y a quand même trois bonhommes qui travaillent dessous. Et si le camion tombe pour de bon ? Et s'il détruit tout sur son passage (y compris les tombes qui sont juste en contre-bas) ? Et s'il prend feu et embrase toute la montagne ?
Jacky a l'idée de soulever le camion avec sa propre grue, celle qui sert à décharger les matériaux. Et là, j'avoue que Laurent a réussi à me faire hurler de rire (rétrospectivement, car sur le coup, j'ai à peine esquissé un sourire jaune). Mon fils, matheux, scientifique dans l'âme, à qui j'expose le projet de Jacky me dit en saisisant une mèche de ses cheveux et en la tirant vers le haut « même si je tire très fort, je ne réussirai pas à me soulever !!!!! » Bien vu, mon gamin, sauf que la grue du camion, même si elle est sur le camion, repose, pendant l'utilisation, sur des verrins qui tiennent au sol ! Du coup la grue du camion peut soulever le camion.
Mais une fois soulevé, il faut bien le reposer quelque part : Jacky fait un rapide aller-retour chez lui et revient avec des madriers qu'ils ont posés sous la roue. Le chauffeur en donnant un énorme coup d'accélérateur et en braquant à mort, a alors réussi à sortir le camion ….
Et maintenant, je n'ai plus de chemin pour monter chez moi. Mon 4X4 ne passe plus. Va falloir ressortir la brouette en attendant qu'un maçon vienne refaire le mur. Or un mur en pierres sèches, tout le monde ne sait pas le faire …. On en a trouvé un qui vient faire un devis demain. L'assurance du transporteur devrait prendre les choses à sa charge.
Et pendant ce temps là, au balcon, y en avait qui ont trouvé le pestacle plutôt intéressant !
Début des travaux : demain 8h !
Et puis, tiens, je te montre. C'était il y a deux ans. Notre minibus avait fait un saut de faïsses, à peu près au même endroit et avait atterri sur une terrasse par laquelle on accédait que par un minuscule passage. Pour le sortir de là, il avait fallu faire venir une pelle, pour détruire le mur, créer une rampe et tracter le véhicule.
C'est pas de tout repos, les Cévennes !
Ca passe ou ça casse. Et parfois, ça casse ....
See you later alligator
