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29 janvier 2011 6 29 /01 /janvier /2011 19:13

 

1630.

Dans le calme et le retrait d'une petite vallée cévenole, celle du ruisseau de R**feuil, dans le creux d'un vallat qui se déverse dans le ruisseau, sur une faïsse comblée au fil des siècles par la terre du Gardon, portée à dos d'homme depuis ses berges à deux lieues de là, une petite maison étroite, à peine plus qu'une cabane, s'élève vers le ciel où elle va chercher le soleil qui tarde à venir les matins d'hiver, la montagne au levant est si haute. Lorsque l'on vient du village, pour rallier la petite maison, il faut traverser le ruisseau, mais l'eau ne monte guère plus haut que les mollets devant le mas, sauf quand le ciel se met en colère : là, il faut attendre que ses eaux brutalement mauvaises et perfides daignent redescendre. Or dans les Cévennes, les eaux, comme les caractères, redescendent aussi vite qu'elles sont montées. Alors, en ces temps troublés, même sans pont, quand on est protestant, on se sent en sécurité derrière ce ruisseau capricieux. Certes, 30 ans plus tôt, le bon roi Henri a signé l'Édit de Nantes, mais ils le savent bien, ces parpaillots, que ce qui est écrit sur le parchemin que peu savent lire, n'est qu'un nuage de fumée pour estourdir les esprits. Dans la réalité, il ne fait pas bon être protestant dans ce royaume de France, où la révocation mettra perfidement un siècle, réforme après réforme, pour se montrer au grand jour.

 

 

Mais en 1630, les temps sont plus calmes qu'ils ne l'ont été et qu'ils le seront bientôt. Autour de la modeste ferme, les terres sont vastes mais pauvres. Le ruisseau, les sources cependant, permettent de les faire prospérer, dans la montagne les grottes secrètes, le maquis serré offriront un refuge si à nouveau le tonnerre venait à s'abattre sur les Cévennes, alors, c'est sans se poser trop de questions que le jeune S**ier, après avoir pris femme, s'installe modestement dans la petite maison familiale.

 

De nouveaux sacs de terre du Gardon seront apportés, les murs, pour certains montés sous la préhistoire, seront entretenus, agrandis, pour créer de nouvelles faïsses arrachées à la montagne aussi rebelle que ses habitants, où pousseront légumes et pois chiches. L'hiver, les tâcherons inoccupés descendus du Mont Lozère viendront porter main forte à la famille dans la construction herculéenne de ces murs jusqu'au col, avec leur réseau d'escaliers en pierre en bout de faïsse pour que les femmes puissent à leur tour grimper sur les terrasses supérieures et ramener leur pauvre récolte. Là-haut, au dessus des chênes verts, de chaque côté du ruisseau, les châtaigneraies fournissent de toutes façons de quoi survivre quand le gel, les orages viennent contrarier le travail du paysan.

 

De cet union naquirent trois fils.

 

Arrivés à l'âge adulte, les terres avaient été suffisamment mises en valeur pour fournir à tous le vivre quotidien. Aucun, donc, ne prend la décision de quitter le mas pour s'établir ailleurs, lorsqu'à leur tour ils prennent femme. L'espace en revanche se fait rare. Mais ni les terres, ni les pierres ne manquent : le fils aîné construit sa propre maison à côté de celle de ses parents, donnant l'exemple à son puîné qui à son tour érige un mas plus modeste dans le prolongement de ceux de son frère et de ses parents.

La famille continue à travailler de concert, accumulant un début de richesses, augmentant le patrimoine foncier.

Le frère cadet mène une vie plus confortable que ses aînés ! Forcément, le gros du travail a été fait. La famille peut même se permettre d'embaucher des journaliers, offrant par là même au cadet ce qu'aujourd'hui nous appellerions des loisirs. Que faire dans ces montagnes rudes éloignées de tout centre urbain où le jeune homme pourrait trouver de quoi s'occuper ? Les chevreuils, les sangliers pullulent dans ces montagnes et ni le loup, ni le renard ne suffit à en réduire le nombre grandissant. Le fils cadet devient chasseur, autant par plaisir que par nécessité. Mais le gibier évite le jour les alentours des trois maisons où bruissent les échos de la vie humaine.

Le fils cadet décide alors de construire un relais de chasse à l'écart du hameau familial, plus haut dans la montagne, de l'autre côté du ruisseau. De là, dans l'antre des sangliers et des chevreuils, il garde un œil sur le mas familial d'un côté et sur la sente qui vient du Gardon de l'autre. Les dragons et les missionnaires du roi peuvent venir : on les verra bien à temps et l'on aura le temps de cacher hommes et biens.

Cette maison, sise à flanc de montagne, contrairement à toutes les autres qui s'alignent sur le même plan que le ruisseau, cinquante mètres plus bas, les gens du pays vont l'appeler « le mas du plan moyen ».

Sauf qu'à l'époque, on parlait occitan. La maison s'appelle donc le « P**jau », plan moyen en langue d'oc.

 

 

C'est ma maison aujourd'hui.

 

 

 

à suivre

 

 

 

legende-1.jpg

 

                                   (vue satellite du hameau S**ier avec les 3 premières maisons et du P**jau n°4 en face)

 

 

3-maisons.jpg

            (les trois premières maisons)

 

trois-maisons.JPG

 

                      (le hameau S**ier vu au zoom de ma terrasse)

 

 

image8F0007--R-solution-de-l--cran--copie-3.jpg

 

                      (le P**jau vu au zoom depuis le hameau)

 

 

See you later alligatorcroco_001.gif

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commentaires

Y
<br /> <br /> C'est bien ce que je pensais, toutes ces maisons de pierre dans les villages ont une histoire et renferment des secrets, quel est le secret de la tienne.. En tout cas c'est chouette que tu<br /> connaisses son histoire....<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Que de tout petits morceaux de cette histoire malheureusement.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> Vivement la suite !<br /> <br /> <br /> Bizz et bonne journée<br /> <br /> <br /> Anne et Cat<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> L'histoire de ta maison c'est comme faire un voyage dans le temps... Comme tous j'attends la suite.<br /> <br /> <br /> Bises <br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Quelques recherches à faire pour le prochain épisode et je m'y mets !<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> J'adore cette histoire .. encore ! encore ! et ensuite , que leur est-il arrivé ? Bises F<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Tu vas voir, patience !<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Ca me rappelle la Creuse quand Aimé , le dernier des anciens , gitane maïs à la bouche ,  nous racontait l'histoire du hameau .....La suite vite vite .<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Et en Bretagne, tu dois en avoir une palanquée de légendes !<br /> <br /> <br /> <br />

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